Un petit bain de réalité
Monter et suivre des projets est un travail de longue haleine qui requiert
patience et persévérance. Apres toute une période de maturation, recherche de
partenaires, de fonds, toute la paperasse administrative et la mise en route,
il faut encore assurer le suivi des projets. Ceux de Heifer passent par deux
étapes : la première est celle durant laquelle le projet est « actif »,
c´est à dire qu´il reçoit les fonds qui lui ont été accordés et prévus selon un
calendrier trimestriel précis. Apres en
général trois ans, il entre dans la phase de suivi, où sauf cas très rares, il
ne reçoit plus de fonds et de ressources, mais une attention particulière est
portée aux activités organisées, au partage des ressources avec d´autres
familles…. Dans tous les cas, les ONG partenaires chargées d´exécuter le projet
doivent envoyer à Heifer un rapport semestriel sur leurs activités, détaillant
les activités effectuées, les avancées, difficultés rencontrées….
Seulement, c´est
bien beau de voir un projet sur le papier, mais encore faut-il voir sur place
comment cela se passe vraiment, assister aux activités, participer aux réunions,
discuter avec les gens… c´est le principe des visites de suivi qui ont
lieu dans chaque projet une a deux fois par an. C´est donc pour cela que nous
nous sommes rendus dans la région d´Apurimac, département d´Abancay.
Le projet «
renforcement des capacités pour le développement de marchés ruraux dans la zone
d´Ollabamba, Apurimac » est exécuté par le Centre de Développement humain
et a trois objectifs définis :
- D´ici à 2012, 13 communautés
gèrent leurs ressources naturelles et productives, de manière a dynamiser le
marché local, améliorant ainsi leur sécurité alimentaire et leurs revenus
- D´ici
à 2012 13 communautés de la zone auront renforcé leur organisation interne pour
une meilleure gestion équitable de la commune et du territoire
- D´ici a 2012, ASPAMOL (
l´association de producteurs agricoles de la zone)et les 13 communautés membre
construisent des propositions et influencent les politiques et systèmes pour le
développement local, en promouvant la production et la consommation locales de
leurs produits.
La visite de suivi du
projet début mars a donc commencé par la participation a un congres de femmes
dans la ville d´Abancay. C´était assez surprenant de voir l´engagement et la
volonté de changement de cette centaine de femmes qui y ont participé. Encore
une fois, l´occasion était venue pour moi de continuer avec mes histoires de
vie. J´ai donc retrouvé Maria Teresa de la communauté de Ccafiamarca et sa petite
fille pour qu´elle me parle de sa vie, de son passé, son quotidien les difficultés
qu´elle a pu rencontrer dans sa vie, ses projets…. Maria a 30 ans et deux enfants.
Elle a été victime a 15 ans de « violence politique » ,
expression utilisée pour designer les personnes qui ont été affectées directement
ou indirectement ( perte d´un parent, mari, enfant) lors de l´affrontement
entre l´Etat Péruvien et Sentier Lumineux
Petite parenthèse historique
pour comprendre le contexte : Sentier Lumineux est un groupe communiste péruvien
qui a été fondé dans les années 60 par Abimael Guzmán et est désigné parfois
comme la « quatrième épée du Marxisme » . Sur un fond d´instabilité
politique dans les années 80, sentier lumineux s´appuie sur le mécontentement populaire pour se développer,
jusqu'au jour ou les militants prennent les armes et vont dans les villages
pour obliger les comuneros à se joindre a eux. On en arrive alors a un point ou
les militaires ne font plus la différence entre les paysans et sentier
lumineux, faisant des milliers de victimes. Guzman est finalement arrêté en 1992, et la guérilla finit par cesser
quelques années après…
http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/ameriquelatine/sentierlumineux un bon résumé
Maria Teresa a été violée a quinze ans par les
militaires péruviens, et se bat encore aujourd´hui pour avoir le statut de
victime politique et recevoir une indemnisation…. Comme 12 000 autres personnes
dans la région ! Ce jour là a Abancay, beaucoup de femmes ont pris la
parole pour exprimer leurs difficultés a vivre, même une bonne vingtaine
d´année après la fin de la guérilla… Ce jour la a été l´occasion pour le
gouvernement régional de publier la liste des personnes ayant reçu l´ « accréditation de
victime politique » pour pouvoir entamer les procédures d´indemnisation…
il en reste encore 10 000…
Le lendemain en route pour la communauté paysanne
de Paccaypata ( point bleu sur la carte) à 6 heures de piste défoncée
route dans le fin fond de la montagne. En trois jours, le programme est chargé,
rencontrer les dirigeants d´ASPAMOL, participer a un atelier de mise en place
de potagers bio, rencontrer les habitants, aller dans les communautés
avoisinantes, se réunir avec l´ONG locale… Un petit bain de réalité ne fait de
mal a personne !
La paisible Paccaypata et atelier de preparation de potagers bio
Une nouvelle copine, un luxueux hotel et une certaine maniere de se deplacer...
une autre réalité!